mardi 3 février 2009

Autour de Gaza (3)

Personnellement j'ai rien reproché à personne lorsque 30 mille personnes sont mortes le même jour, des enfants pour la majorité. Je n'ai pas été choqué non plus lorsque, le lendemain, le massacre a recommencé et 30 mille autres ont péri dans de pareilles circonstances et que personne sur la blogosphère tunisienne n'en a parlé. En fait, ces 30 mille personnes sont le lot quotidien que nous payons tous à l'injustice qui règne. Chaque jour, 30 milles personnes meurent de faim, sans que cela ne provoque indignation ni effroi. Le crime se renouvelle chaque jours, mais comme les journalistes sont occupés à filmer des choses plus spectaculaires, nous ne pouvons nous en rendre compte.


Il y a le pouvoir des images, en effet. Nous sommes trop aliénés à la télé et à son pourvoir hypnotisant que nous avons fini par rompre le lien avec la réalité. La réalité c'est ce que la télé nous présente comme telle. Tout le reste n'existe pas, puisqu'on ne le voit pas.
Il y a donc le pouvoir de l'image, il est vrai. Mais il y a aussi le pouvoir des symboles, qui fait que nos réactions diffèrent selon l'endroit du crime, l'identité de la victime et l'identité du bourreau. Par exemple, il y a de cela presque une année maintenant, deux jeunes tunisiens sont morts dans de circonstances douteuses et semblables. L'un de la faute d'un policier (ou plusieurs policiers) français sur le territoire français. L'autre par la faute d'un responsable régional de l'Etat tunisien dans une ville du sud tunisien. Le pouvoir des symboles a fait que la mort de notre compatriote immigré a suscité beaucoup d'intérêt dans la presse nationale, alors que la mort de l'autre compatriote à Gafsa est passée presque inaperçue. Ajoutez à cela le zèle qu'affichent nos journalistes dès qu'il s'agit d'adresser le moindre soupçon de critique envers un responsable quel qu'il soit, vous comprendrez pourquoi les deux cas ont été traités différemment par la presse.

Un autre exemple du pouvoir des symboles : en 1982 Hafez Al-Assad bombarde pendant 27 jours la ville syrienne de Hama et tue des milliers de personnes. Certains affirment : 10 000 personnes. D'autres disent : 25 milles. Mais ces crimes se déroulent en dehors du champ polarisé des symboles, et suscitent donc peu d'intérêt pour le public, quand ils sont connus (car pour la plupart ces crimes sont bien cachés à l'opinion publique). On retient de 1982 Sabra et Chatila et on oublie complètement Hama.

La télévision, Al-Jazeera en tête, nous a entraînés dans un calcul macabre. Tous les soirs, on a l'impression d'entendre "Nous vous retrouverons demain avec plus de victimes et plus d'images choc !". L'argument du journalisme télévisuel est toujours le même : ce sont les images qui parlent d'elles mêmes ! Les images, c'est la réalité du monde telle qu'il est.

Je déteste les statistiques morbides. Pour moi le seul de tolérance doit être fixé non pas à mille, ni à 100 victimes. Le seuil minimum de tolérance doit être fixé à une personne humaine qui perd la vie. Au-delà de ce seuil toute guerre devient sale et tous les politiciens et les militaires qui en sont responsables doivent répondre de leurs actes.

3 commentaires:

Infinity a dit…

Merci, ça fait plaisir de lire ce que l'on pense, et hocher la tête à chaque paragraphe.

Le Prisonnier a dit…

Magistral!!!
Bravo, ton article m'a donné beaucoup à réfléchir.

Téméraire a dit…

Salut Mani :
J'ai pas pu poster un commentaire sur ta dernière note à propos de la Vitesse de la lumière.

J'ai un grand respect pour ton obstination et ta façon de dribler et très intelligente.

Dommage j'ai d'autres chats à fouetter sinon, j'aurais pris le temps de répliquer.

ça me fait toujours plaisir de te lire :)

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