dimanche 30 juillet 2006

La religion selon Freud

1. L’enfance ou le paradis perdu :

Comme beaucoup de mammifères, l’être humain vient au monde inachevé. Physiologiquement, il est incapable de parvenir à ses besoins tout seul. Un petit d’homme ne peut ni marcher, ni manger, ni faire quoi que ce soit tout seul. Heureusement qu’il y a deux êtres qui veillent sur lui : les parents. Lors d’une grossesse externe il achève son développement. Cet état produit une première phase de dépendance physiologique.

Cette dépendance physique s’accompagne forcément par une dépendance psychique vis-à-vis des parents. Cette dépendance a un envers, celui de la croyance en la toute-puissance des parents, qui sont alors représentés comme des géants (ils le sont physiquement) ou des magiciens (car l’ont croit qu’ils savent tout et tout faire). L’enfant se sent protégé et aimé par cette bienveillante puissance. Pour l’enfant les liens de causalités sont souvent attribués aux pouvoirs magiques des parents. Cette perception ne va pas disparaître totalement à l’âge adulte.

Pendant cette phase, le Moi n’est pas perçu comme indépendant du monde extérieur. Il se peut que ce sentiment dit « océanique » (le Moi et le monde ne font qu’un) ressurgisse dans la vie d’adulte et soit à l’origine de nombreuses expériences spirituelles.

2. L’âge adulte et le besoin de croire :

Avec l’âge, l’enfant gagne en autonomie. C’est là qu’apparaît une sorte de nostalgie. En effet, un envers de l’indépendance se constitue autour du souvenir de ce temps premier fait d’amour et de soins, s’accompagnant du sentiment de perte (telle une Chute), perte de l’enfance et de l’infantile, chute hors du monde du merveilleux, des contes de fée, etc. L’on est animé par une quête d’une Utopie, qui n’est d’autre qu’une tentative de retrouvailles du Paradis Perdu de l’enfance. Ainsi comme dit Brecht, l’utopie c’est croire pouvoir changer le monde, c’est-à-dire, en fait, retrouver le sien.

A l’âge adulte, la vie se complique. Freud nous a appris que la vie psychique ne peut être que conflictuelle. La subdivision du psychisme en Moi, Surmoi et ça fait que l’individu vit une éternelle négociation entre ses désirs et la réalité. Selon les mots de Freud : «Telle qu'elle nous est imposée, notre vie est trop lourde. Elle nous inflige trop de peines, de déceptions, de tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne pouvons nous passer de sédatifs». L’enfance devient un âge rêvé où tout y était parfait.

Selon Freud, la religion tirerait alors sa force de sa promesse de retrouvaille, de retour à l’état supposé heureux de l’enfance. De même, la promesse de Vie Éternelle est celle d’une vie d’avant le temps, d’avant la séparation de l’enfance.

Ainsi, le besoin de croire serait un désir nostalgique de retrouvaille du temps de la dépendance (fantasme du ventre maternel, d’être un dans le tout, la métaphysique, etc.)

Mais ce besoin se heurte à la pulsion de vie. Car cette pulsion pousse à l’écart, à la séparation, la différenciation. C’est pour ça qu’elle constitue une source d’angoisse. Eros devient donc l’ennemi, le diable, la tentation. Mais ce refoulement est nécessaire, au mois pour la société et non l’individu. Il est dit civilisateur car il épargne à la société le déchaînement des pulsions individuelles destructrices.

Les manifestations du désir nostalgique de l’enfance dans la vie quotidienne sont nombreuses :

  • la mélancolie (« l’enfance, c’était le bon temps ! », mais on oublie les cauchemars, les peurs, les vécus d’abandon, etc.) ;
  • la culpabilité (« je suis nul, je me suis fait chuté, incapable de créer mon monde ») ;
  • le ressentiment (« le monde est moche, pourri, et de plus en plus ! Ils m’ont fait perdre mes illusions ou mes idéaux, ils m’ont jeté hors de la vie, etc. »).

Les tentatives de retrouver cet univers aboutissent par fois. Leur succès peut se voir dans le fait de :

  • retrouver ce qui est pensé après-coup comme ayant été un Eden ou Nirvâna
  • au plan psychique, retrouver le monde de l’infantile, celui des magiciens, des Géants et des dieux
  • retrouver une masse ou une grégarité, un groupe (familial), une institution ou un État (la « mère patrie »...)

Ce qui offre un sentiment retrouvé de protection face à un environnement hostile (la nature et ses tempêtes, les humains et leur violence, etc.)

Mais finalement, ce qui est visé et espéré comme étant devant soi est, en fait, notre passé, re-projeté.

3. Le complexe d’Œdipe dans tout ça ?

Pour illustrer l’importance de ce complexe dans la formation du sentiment religieux, on va reprendre un exemple donné par Freud de la conversion d’un médecin. Appelé à disséquer une vielle dame qui venait de mourir, ce jeune médecin se dit que si dieu existe, il n’aurait jamais permis qu’une dame au visage si doux et ravissant meure. Mais une voix dans son âme l’invite à réfléchir à la question. Finalement, dieu lui révèle son existence par des signes et des preuves, dit-il.

Pour Freud, le médecin a rétabli un lien direct entre cette dame et sa propre mère. Le complexe d’Œdipe a ressurgi dans son inconscient. La réaction immédiate a été une révolte contre le père et un désir de l’anéantir.

C’est là que le Surmoi intervient en suscitant un fort ressentiment de culpabilité. Cette culpabilité se transforme aussitôt en soumission, c’est-à-dire une croyance à Dieu le Père dans le champ de la conscience.

Ainsi Freud nous présente un mécanisme de conversion. Un mécanisme qu’il juge si simple et si transparent !

4. Les rites religieux et leur signification psychologique :

Grâce à des déplacements de libido et à la sublimation des pulsions, certains sont capables d'obtenir des satisfactions délicates et élevées et une somme suffisante de plaisir dans l’activité religieuse. Plaisir moins intense que la satisfaction assurée par la satisfaction des désirs pulsionnels primaires, mais beaucoup plus indépendant du monde extérieur.

Freud établit un parallélisme entre les actes obsédants des névrosés et les rites religieux. En fait ils sont tous exécutés dans un ordre précis et suivent des règles strictes. L’omission d’un détail lors de leur exécution peut provoquer une peur inexplicable.

Néanmoins, il existe quelques différences notamment vu la diversité des actes obsédants par rapport aux rites. Ceci s’explique en partie par le caractère privé des névroses, qui restent liées à l’histoire personnelle du malade. D’où par exemple l’absence du symbolisme dans les actes non religieux. Mais pour Freud, ce symbolisme existe et au contraire des rites religieux, il n’est pas à mettre en évidence.

La psychanalyse s’attarde aussi sur le lien de la sexualité et de la religion. En effet, on peut retenir par exemple que l'excitation religieuse est une excitation sexuelle dissimulée. Et que l'homme religieux par la mystification de son excitation, rejette sa sexualité. L'extase religieuse n’est donc qu’une compensation de l'excitation végétative orgastique.

Sur les religions, 3 livres de Freud s'imposent :

- L'Avenir d'une illusion

- Malaise dans la civilisation

- L'Homme Moïse et la religion monothéiste

Il y a aussi Totem et Tabou, que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire.