Polythéisme et monothéisme sont deux moments caractéristiques de la dynamique des religions orientales. Il n’est pas donc surprenant de trouver dans le paganisme antérieur au monothéisme les prémisses de l’idéologie du dieu unique.
C’est ainsi que les dieux Mardouk, Nergal, Inanna/Ishtar sont qualifiés chacun comme « n’ayant pas d’égal ».
Le culte du dieu unique a commencé, on le sait, en Egypte par Akhénaton. Dans l’hymne du dieu Soleil on peut lire : « Toi, seul dieu, en dehors duquel il n’existe pas d’autre ». Notons que la négation de l’existence des autres dieux n’est pas inhérente au monothéisme ; En effet, les premiers juifs ignoraient les autres dieux en vouant un culte exclusif à Yahweh (ou Yahvé). Ce qui ne veut pas dire que les autres dieux n’existaient pas pour eux. Tout simplement seul Yahvé méritait obéissance et vénération puisqu’il est le dieu d’Israël et son protecteur (voir Freud, L’Homme Moïse et la religion monothéiste).
Dieux et rois étaient deux notions qui se rejoignaient dans l’idéologie orientale. C’est ainsi qu’on voit des rois terrestres s’attribuer des épithètes divins : Seigneur des seigneurs, de tous les humains, de l’univers, de tous les pays… Ces épithètes sont à l’origine ceux des dieux. L’interférence entre le roi et le dieu tétulaire est admise par les mésopotamiens sans qu’il y ait une véritable identification. Cette vision du pouvoir n’est pas sans rappeler le statut du prophète dans les religions monothéistes.
Dans une guerre, le dieu de la cité victorieuse assimile les dieux de l’autre camp. Il s’approprie alors leurs fonctions et leurs qualités, de sorte que chaque guerre s’accompagne par une réforme monothéiste.
L’accumulation des épithètes atteint son paroxysme dans les religions monothéistes, où le dieu unique monopolise les pouvoirs et les qualités des autres dieux.
Notons enfin que cette appropriation peut expliquer par exemple les Beaux Noms d’Allah, qui sont à rapprocher des Beaux Noms de Mardouk. Le dieu jaloux d’Israël tient peut-être cette jalousie de Namtar, le dieu babylonien qui a infligé l’Epidémie aux hommes.
Influences mésopotamiennes :
Notons tout d’abord que le patriarche Abraham est né vraisemblablement à Ur, c’est-à-dire en Mésopotamie. La déportation des juifs à Babylone en 586 par Nabuchodonosor II a certainement permis un échange et une influence mutuelle. Des études affirment que la vie après la mort n’est apparue dans la pensée religieuse juive qu’après le contact avec les religions perses (Zoroastrisme en l’occurrence) imprégnées déjà par le Jugement Dernier et l’existence de l’âme.
Il est aussi possible d’établir un parallèle entre le personnage mythique de Gilgamesh et celui d’Adam : tous deux ont une connaissance du bien et du mal. Tous deux ont cherché l’arbre de vie et ont échoué.
L'Épopée de Gilgamesh est issue de plusieurs légendes qui ont été rassemblées en un récit unique rédigé en langue akkadienne mais seuls quelques fragments — plus de six cents vers — nous sont parvenus.
Terrassé par la mort de son ami Enkidu, Gilgamesh erre et vagabonde. Il cherche l’arbre de la vie dans le pays des Cèdres où il doit combattre un le gardien de la forêt, un serpent selon certaines versions. Ces éléments de récit se retrouvent dans le Coran : La mort d’Abel a imposé à son frère d’être errant et vagabond. Abel ne savait pas comment inhumer son frère, alors que le héros babylonien a refusé d’enterrer son ami Enkidu. L’arbre de vie se trouvait à l’est de l’Eden dans les deux récits. Le personnage du serpent ainsi que l’existence d’une femme (Eve/Inanna) vient accentuer ces ressemblances.
Notons aussi que les dualités Gilgamesh/Enkidu et Abel/Caïn traduisent toutes les deux un duel nomade/sédentaire.
La quête de la vie éternelle, Gilgamesh va la chercher auprès du seul homme qui l’a obtenu : Uta-napishti, le seul survivant du Déluge mésopotamien ; Il est d’ailleurs frappant de voir à quel point le récit mésopotamien du Déluge se rapproche de celui adopté par les monothéistes en général ; Enki, voulant punir l’humanité pour sa multiplication, décida de la faire périr. Il conseilla à son protégé Uta-napishti de se faire une embarcation et d’y regrouper de toutes les espèces. Après le Déluge, ce héros est promu à l’éternité et est placé à l’est de l’Eden, là où Gilgamesh vient le chercher. Dans certaines traditions islamiques on affirme que Noé a vécu près de mille ans.
Le Déluge :
Les récits du Déluge diffèrent selon les versions. Dans l’une de ces versions qui date du XIIIe siècle av. J.-C., le héros s’appelle Atram-Khassisum. Ce « familier » d’Ea est à reprocher avec le patriarche biblico coranique Abraham. Tous deux représentent en effet l’explication mythique des origines de la civilisation qui se construit à partir d’un acte fondateur entre un sage et un dieu.
Un autre héros mésopotamien s’apprête à un tel parallèle avec l’histoire du premier homme, Adam. Il s’agit des mythes se rapportant au personnage d’Adapa. A part la ressemblance homophonique, les deux histoires se croisent étrangement. Ce sont deux sages qui ont accès à la connaissance du bien et du mal, qui ont des relations privilégiées avec les dieux et qui ont été privés de la vie éternelle à cause des fautes qu’ils ont commises.
Il ne s'agit là que d’un bref aperçu de ce que peut être la ressemblance entre les anciennes religions de l'Orient et les religions monothéistes. Le Moyen-Orient a vu naître et prospérer une des premières civilisations au monde qui reste une des plus importantes même aujourd’hui. Les ressemblances évoquées dans cet article entre mythes mésopotamiens et mythes monothéistes viennent montrer que les religions quelles qu’elles soient s’inscrivent dans une continuité historique et ne peuvent être dissociées des contextes de leurs apparitions.
BIBLIOGRAPHIE :
[1] SFAR Mondher,
[2] BOTTERO Jean, Naissance de Dieu,
[3] BOTTERO Jean & KRAMER Samuel-Noah, Lorsque les dieux faisaient l’homme, mythologies mésopotamiennes
[4] FREUD Sigmund, L’Homme Moïse et la religion monothéiste
[5] Encyclopédie ENCARTA 2004
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