dimanche 31 janvier 2010

Open-space

Christophe regarde par la fenêtre et dit : « les tombes sont redevenues toutes noires ». Un voix de l’open-space lui demande : « et elles étaient comment avant ? » Il dit : « elles étaient toutes blanches quand il a neigé. C’était beau. Maintenant c’est redevenu noir. Tout noir. C'est triste »

samedi 30 janvier 2010

Marley

Quelques mois après la séparation d’avec Martine j’ai acheté un chiot dans une boutique. Je suis rentré et j’ai pris le premier que j'ai vu. J’ai réglé, et je suis parti. J’avais besoin d’un chien. Peu m’importait la race, la couleur, le sexe. Après cela il fallait lui inventer un nom. Je pensais l’appeler Bobby mais ça ne me plaisait pas. Bobby me fit penser à Bob, et Bob à Marley. Je l'ai appelé Marley. C’est aussi simple, aussi con. C'est probablement aussi simple et aussi con que la vie elle-même.

vendredi 29 janvier 2010

Sophie

« Tu ne connais pas encore Sophie ? Tu devrais… »

Bertrand me regardait derrière ses lunettes au cadre noir et épais. Une mèche de cheveux gris lui tombait sur le front et j’aurais parié qu’il était amoureux de Sophie. Nous étions seuls, dans une salle de réunion au nième étage d’une tour à La Défense. Il faisait frais dans cette salle (la commande du chauffage était centralisée). Nous attendions que les autres arrivent. Nous attendions que Sophie arrive. Il a neigé toute la nuit. Une nouvelle semaine commence et moi je regarde par la fenêtre et je remarque que toutes les fenêtres de cette tour ne s’ouvrent pas. Tout était blanc dehors. Sophie arrive.

jeudi 28 janvier 2010

Les salles d'embarquement (2)

Une salle d’embarquement est un lieu suspendu entre deux mondes ; celui que nous avons laissé derrière nous et celui qui nous attend. Autant l’un que l’autre nous sont inconnus. Le passé se condense et se cristallise. Il n’en reste plus qu’une seule photo de famille lors d’une fête quelconque ; le sourire artificiel de quelques individus qui regardent le photographe avec hébétement.

mercredi 27 janvier 2010

Ayuda fraterna

WE keep the gold. YOU help your brothers!

mardi 26 janvier 2010

La vie est un écrivain qui a du talent

Si on me demandait ce que je pensais de la vie, je dirais tout simplement que c'est un écrivain qui a du talent. Nous passons des journées, des semaines, des années, à écrire une histoire. Nous faisons tout pour rendre l'histoire parfaite. Vraie. Touchante. Nous imitons la vie. Mais la vie, elle, n'a rien à prouver à personne. Elle écrit ses histoires tous les jours. Des histoires parfaites, vraies, touchantes. Elle n'attend pas d'être publiée. Elle n'espère pas des mots d'encouragement. La vie est un écrivain qui a du talent, et qui, en plus, n'a pas peur d'écrire de temps en temps des choses médiocres.

lundi 25 janvier 2010

Paris

Mon oncle Ali s’installa à Paris au début des années quatre-vingts. Depuis, personne ne sut plus rien de lui. Je grandis avec l’idée que Paris l’avait englouti avec sa grande bouche monstrueuse. Paris avait une bouche et des entrailles dans lesquelles je voulais être moi aussi englouti. Je voulais disparaître loin, très loin. Etre oublié. Et renaître.

dimanche 24 janvier 2010

Les salles d'embarquement

Ce n'est qu'après plusieurs années d'attente que je compris enfin que tous les lieux sont en train de se transformer en salles d’embarquement. Tout devient un lieu de passage dans un monde qui méprise la sédentarité. La mobilité est un mot d’ordre. Les salles d’attentes dans les gares ne sont plus ces lieux de passage mais des lieux de vie. Bouger ne constituait plus l’exception ; mais bel et bien la règle.

mercredi 6 janvier 2010

Faut-il être amoureux pour se sentir heureux ?

Être amoureux, c'est souffrir de l'absence de l'autre. C'est être dans la passion, donc être forcément dépossédé d'une partie de soi-même. Être tout le temps en manque.
Et je ne vous parle pas du cortège des sentiments empoisonnés qui accompagnent en général ce sentiment d'amour : jalousie, rivalité, possessivité...
Ne pas être amoureux, c'est peut-être un bon moyen pour devenir heureux. Un moyen efficace de vivre l'instant et d'en profiter. Il faut vivre le désir avec espoir, et vivre le plaisir sans tension.

mardi 5 janvier 2010

La persona

Lorsque nous marchons dans notre inconscient nous pouvons rencontrer notre "persona". Notre image sociale, notre masque.

La persona n'est pas le Moi, mais elle fait partie de la totalité psychique, le Soi. La persona, c'est tout ce que j'ai atteint, ma position sociale, mes diplômes, mon job, comment les autres me regardent, l'image qu'ils se font de moi et que je m'efforce à préserver...

Ce n'est pas moi, mais bien nombre de personnes confondent leur moi avec leur persona. Du coup, la persona pompe toute l'énergie psychique disponible et prive le psychisme de développer d'autres "personnages". Elle opprime les autres, les martyrise, et il faut s'en défaire pour pouvoir avancer sur le chemin de la libération de soi.

lundi 4 janvier 2010

Faites vous-mêmes votre malheur !


On peut s'empêcher de vivre son bonheur... On peut œuvrer activement à faire son propre malheur, comme le dit Paul Watzlawick dans son si éloquent "Faites vous-mêmes votre malheur".

Paul Watzlawick nous démontre que chaque possibilité de bonheur peut être facilement détruite si on est assez persévérant. Posez-vous plein de questions, sur vos propres sentiments, sur ceux des gens qui vous entourent. Posez-vous des questions, et insistez. Puis posez les mêmes questions aux autres, et insistez. Beaucoup.
Demandez par exemple à la personne que vous aimez si elle vous aime vraiment. Vous aurez ce genre de discussion :

- Tu m'aimes ?
- Oui.
- Mais est-ce que tu m'aimes vraiment ?
- Oui.
- Mais vraiment, vraiment, tu m'aimes ?
- …
Il faut y mettre de la bonne volonté. Il y a des gens doués pour ça. Et les gens doués pour ça sont généralement des gens doués tout court. Le paradoxe des gens doués c'est qu'ils sont tellement intelligents qu'ils se privent d'être heureux. Ils n'arrêtent pas de se poser des questions. Ils n'arrêtent pas de "vouloir être malheureux".

dimanche 3 janvier 2010

Hold-up sur le Moi

Depuis Freud on sait que la plus grande partie de nous-mêmes est enfouie. Elle est inconsciente. L'inconscient détermine beaucoup de nos actes et nous oblige parfois à agir contre notre volonté consciente. Il nous pose bien des souffrances et nous empêche d'être conscients de notre place dans le monde. Parfois, il pourrit nos relations avec les autres. Mais l'inconscient n'a pas de nature « morale ». Il n'est pas bien ou mal. Il est ce qu'il est : une somme immense de désirs, d'instincts, de fantasmes, très souvent en contradiction les uns avec les autres et le plus souvent aussi : inconciliables avec la réalité.

C'est une aberration que de croire que l'être humain constitue une unité. Cela est flagrant : chacun est plusieurs, chacun est fragmenté, multiple... A l'intérieur de nous il existe d'autres personnes. C’est en marchant dans l'obscurité de notre inconscient que nous allons à la rencontre d'autres personnages. Ces personnages sont en nous, mais ils ne sont pas nous.

Jung sépare le Moi du Soi. Le Soi : c'est tout ce qui existe à l'intérieur de nous. Notre totalité psychologique. Le Moi : c'est la partie consciente. Les perceptions, les sensations, les réflexions, les sentiments. L'objet du moi est d'assurer l'adéquation avec la réalité. L’inconscient, quant à lui, est habité par tous ces personnages invisibles dont on ignore l’existence.

En fait, les problèmes commencent lorsqu’un de ces personnages prend les commandes et s’empare du Moi. Une sorte de hold-up face auquel nous restons sans défense. Notre Moi agit « contre notre propre gré ». Nous agissons d’une manière que nous regrettons aussitôt. Une fois sa tâche accomplie, le personnage se réfugie dans les plis de notre inconscient, on ne le voit plus. Il nous laisse en désarroi, embarrassé par notre comportement qui n’était pas vraiment le nôtre.

samedi 2 janvier 2010

Vraiment ?

Elle : Chéri, est-ce que je te plais ?
Lui : Oui, bien sûr ma chérie.
Elle : Mais est-ce que je te plais vraiment ?
Lui : Bah oui, voyons ! Pourquoi cette question ?
Elle : Rien... Mais je t'ai senti un peu gêné quand tu m'as répondu la première fois... C'est que, peut-être après tout... je ne te plais pas...
Lui : Mais non, tu dis n'importe quoi.
Elle : Tu n'es pas bien, je le vois dans tes yeux.
Lui : Non, je suis pas bien.
Elle : J'en étais sûr. Je ne te plais pas.
Lui : Si tu me poses cette question c'est que moi je ne te plais pas. Tu projettes sur moi ce que tu ressens toi-même.
Elle : Moi ? bah non, alors là non, bien sûr que tu me plais !!
Lui : Je te plais... Vraiment ?
Elle : ...??!

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Moralité de l'histoire : pour chercher des problèmes et installer le doute, il suffit de poser une question banale deux fois, en rajoutant la deuxième fois le mot magique : "vraiment ?".

vendredi 1 janvier 2010

Le paradoxe de la nostalgie

La nostalgie. Ce sentiment complexe, paradoxal…

Quand il s’empare de nous, nous ne savons plus si nous voulons rire ou pleurer. Il nous plonge dans un état étrange, il nous bloque, il nous émeut…

Une fois déclenché (par un souvenir, par un objet, par une personne…), le sentiment de nostalgie nous submerge par le souvenir de la joie retrouvée. Nous revivons le souvenir de l’objet aimé et nous nous rappelons à quel point cet objet (ou cette personne) nous procurait de la joie.

Mais presque au même moment nous nous rendons compte que cela n’est pas réel, que c’est juste un souvenir. Le sentiment de perte provoque une tristesse qui s’empare de nous et qui vient s’opposer à la joie. Plus la joie retrouvée est immense, plus la tristesse est grande de l’avoir perdue. Ainsi, la nostalgie procède par un mélange de joie et de tristesse. C’est pour ça qu’elle est paradoxale. Elle nous donne envie de rire et de pleurer.