dimanche 18 mars 2007

Schizo-blogo-phrénie


« Je ne peux plus assumer les conneries que tu écris. »

C’est ainsi que l’auteur de ce blog s’est adressé à moi alors qu’on essayait de trouver de nouvelles idées pour un nouveau post. Il se tait un moment et sans oser me regarder, il me lance : « Ecoute Mani, t’es gentil mais vraiment je n’en peux plus. Je vais le supprimer ce blog »

Abasourdi, je lui demande : « Qu’est ce qui t’arrive ? Qui a dit que tu étais obligé d’assumer quoi que ce soit ? » Alors il m’explique comment de plus en plus d’amis autour de lui connaissent ce blog. Ils lui demandent d’en parler. Ils lui posent des questions auxquelles il n’a pas envie de répondre.

Il me dit :

- Kundera disait que* « la raison d’être d’un roman est de raconter ce que seul un roman peut raconter ». Ne peut-on pas dire de même que « la raison d’être d’un [blog] est de raconter ce que seul un [blog] peut raconter » ? Qu’en deviendrait-il lorsque le blog est dévoilé et que le blogueur et la personne physique ne font plus qu’un ? Je l’ai déjà dit dans un de mes premiers posts, ici : « sur internet c'est pas la vraie vie. On peut se cacher derrière un pseudo, on peut raconter des exploits complètement imaginaires, comme on peut parler de ses conneries et de ses ratées sans craindre les moqueries des autres. C'est pour ça qu'au lieu de se réfugier dans l'art, l'alcool ou la collecte de timbres, de plus en plus de gens ouvrent des blogs. »

Cette attitude snobinarde ne me choque plus. Il prend des airs en citant Kundera, et juste après, il cite des conneries qu’on a écrites ensemble lui et moi sur ce blog. Comme si ce qu’on écrivait ici avait une quelconque importance. Mais j’étais habitué à ce personnage. Il croit que le monde a besoin des futilités qu’il poste. Il se voit avec un fan club qui n’attend plus que son prochain post. Il se prend pour qui ce mec ?

- Sois un peu plus fair-play, veux-tu ? Et alors s’il y a des amis qui connaissent ce blog ? Ça peut être drôle, non ? Au moins vous pouvez en discuter quand vous vous rencontrez ?

- Tu ne comprends rien, laisse tomber.

Me prendre de haut ! Voilà tout ce qu’il sait faire. Mais le sachant tout à fait capable de se réfugier dans l’art ou l’alcool (il est moins porté sur les timbres), il m’était nécessaire de sauver ce blog, pour son bien. Je poursuis avec insistance :

- Qu’est ce qui peut être différent par rapport à avant ?

- C’est plus dur d’écrire maintenant. A chaque fois qu’un mot me vient à l’esprit, je réfléchis longuement avant de le taper sur mon clavier. L’autocensure est inévitable, et elle m’empêche de parler comme je veux. Je me sens attendu au tournant à chaque mot que j’écris et j’entends déjà les moqueries et les critiques acides que mes amis vont me lancer. Je ne me sens plus libre du tout!

- la liberté n’est qu’un gros mensonge, tu le sais bien.

- oui, mais j’ai essayé par ce blog de créer un petit espace où je me sens un peu plus libre que dans la vraie vie. Je sais que la liberté absolue ne veut rien dire, mais au moins j’avais un masque, maintenant beaucoup de gens savent qui se cache derrière le masque.

J’aurai pu lui sortir ses 4 vérités en face. J’aurai pu lui dire que toute cette histoire n’était qu’une façon de satisfaire son ego. Je me suis retenu ; je le sais susceptible.

Il poursuit donc son délire :

- ils croient qu’ils peuvent avoir des sujets sur commande. Ils veulent que j’écrive sur le sexe. C’est n’importe quoi !

« Remarque ça serait bien que tu fasses un post là-dessus. Comme ça tu avoueras tes fantasmes au grand jour. Ça t’enlèveras un peu de ton air d’un gars chic bien-pensant » Je n’ai pas osé lui dire ces mots. Il ne m’aurait pas pardonné. S’il vous plaît ne lui répétez pas ce que vous venez de lire.

- Ça ne sert plus à rien. Sans anonymat, un blog est inutile. J’ai voulu créer un homme dans la foulée, un visage sans nom. Et voilà que tout tombe à l’eau.

Mais, qu’est-ce qu’il peut être lourd ce mec ! J’essaie de lui remonter le moral :

- Regarde, on va préparer un nouveau truc, quelque chose qui va intéresser un max de gens. Qu’est-ce que tu dis d’un sujet sur les religions ?

Sans enthousiasme, il me dit :

- très original. Ça ne devient pas une obsession chez toi de parler religions ?

- ça fait 3 posts qu’on en a pas parlé !

- tu vas attirer sur moi les foudres de (…) et (…) [2 de ses amis]. Déjà qu’ils m’appellent de tous les noms à cause de ce blog et de cette obstination que tu as à ne parler que des religions. Je deviens leur sujet préféré.

- Non seulement tu dramatises trop, mais tu manques aussi terriblement de sens d’humour. Décidément tu ne peux pas t’empêcher de tout compliquer et de pleurnicher comme des gamins. Quand est-ce que tu grandis une fois pour toutes ?

- Pourquoi tu me parles comme ça ? N’oublie pas que je t’ai créé sur un coup de tête et que je peux te supprimer à tout moment.

- Tu ne peux pas te passer de moi. Tu scrutes les statistiques pour savoir combien d’internautes ont visité ton homme dans la foulée. Ça te fait plaisir de lire les commentaires. Ton ego occupe désormais toute la place sur ton blog. Tu peux me dire à quoi ça sert un post comme celui-là, à part d’étaler devant tout le monde des conversations mentales stupides et inutiles ?

- Tu n’es qu’un passe-temps tu sais …

Je l’ai coupé en martelant :

- Grâce à moi, tu peux encore écrire ce que tu veux. Parce que désormais ça sera moi qui écris ici. Je prends les choses en main et tu ne t’occuperas plus de rien.

- Tu oublies que nous ne faisons qu’un.

- Ce n’est pas vrai. Si nous ne faisions qu’un, à qui tu serais en train de parler en ce moment ?

- Je sais pas. A moi-même.

- Tu serais schizophrène alors ?

- Oui, peut-être.

- Non, écoute : tu n’es pas schizophrène et moi j’existe bel et bien. Alors on va conclure un marché : tu me laisses la liberté totale sur ce blog. Je vais écrire tout ce que je veux et tu n’auras plus aucun droit sur les sujets, sauf de les lire et de lire les commentaires.

Et c’est ainsi qu’on s’est mis d’accord. C’est moi qui vais m’occuper de la rédaction des posts. En contrepartie, son ego bénéficiera des avantages que procure ce blog : flatteries des commentateurs, popularité, amour, haine, critiques, insultes… je ne dispose d’aucun droit de propriété sur ces choses-là.

C’est pour cela, chers visiteurs de cet espace qui est le mien, je vous demande de ne pas faire l’amalgame entre moi et l’auteur de ce blog. Lui a sa vie dans le monde des hommes et moi la mienne dans le monde des blogueurs. Il ne saurait être tenu pour responsable pour des choses que j’aurais moi écrites. Toutes vos critiques et toute votre colère sont à adresser à moi, Mani l’Africain, alias Manichaeus, et à personne d’autre. Je transmettrai après vos flatteries et vos lettres d’amour à l’intéressé (pour les lettres d’amour, mecs s’abstenir). Tout ce que vous avez à connaître sur moi, c’est un pseudo, un blog et la photo d’un tigre. Tout le reste est illusion. Le seul monde qui existe pour moi, le vrai monde, est la blogosphère.

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* : « La raison d’être d’un roman est de raconter ce que seul un roman peut raconter » Milan Kundera, L’Art du roman.

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